L’intraprenariat : une aventure au cœur de l’entreprise

L’intrapreneur social est un mouton à cinq pattes. Ses qualités paradoxales, alliant passion et patience, idéalisme et pragmatisme, curiosité et diplomatie, vision et gestion, en font un animal qui peut sembler difficile à apprivoiser mais dont les points forts sont un véritable atout pour l’entreprise. Pourquoi l’entreprise a-t-elle intérêt à compter dans ses rangs ce genre de profil ? Les deux raisons principales sont la promotion d’un esprit entrepreneurial et la construction d’une identité commune partagée par les employés.

Un atout pour la recherche et le développement : l’innovation jugaad 

Face aux multiples processus et hiérarchies, l’intrapreneur social développe un mode de management frugal et une exigence de rapidité d’exécution, formalisés par le concept d’innovation jugaad. Jugaad est un terme hindi, que l’on peut traduire en français par « débrouillardise ». Il a été popularisé par Navi Rajou*. Franco-indien habitant aux Etats-Unis, il illustre cette idée par des entrepreneurs indiens, chinois ou africains, parvenus à transformer des contraintes en opportunités dans des pays où « la rareté est la mère de l’invention ».

Les associations et les entrepreneurs sociaux sont des champions en la matière : Charles-Edouard Vincent, entrepreneur social, fondateur d’Emmaüs Défi et de Lulu dans ma rue, vérifie au quotidien ce qui semble être devenu sa devise :

« Faire plus avec moins. Les entreprises qui travaillent à nos côtés sont souvent surprises par notre réactivité et notre créativité ».

La Croix-Rouge française excelle également dans le domaine et a créé en 2019 un incubateur accompagnant les projets des intrapreneurs sociaux au sein de 21, l’accélérateur d’innovation sociale de l’association. Appliqué au champ de l’entreprise, il renvoie à l’improvisation de solutions business ingénieuses dans un environnement défavorable. Ce concept invite à renouer avec les fondamentaux de l’innovation et retrouver la dynamique entrepreneuriale qui manque souvent aux grandes entreprises. L’objectif est de faire émerger de nouveaux paradigmes qui concernent tout autant les processus que les produits, la relation client ou le mode de management. L’entreprise voit alors un véritable laboratoire d’innovation sociale se développer. Le jugaad est constitué de quelques principes simples (rechercher des opportunités dans l’adversité, faire plus avec moins, penser et agir de manière flexible), et toute entreprise souhaiterait, à l’instar des intrapreneurs sociaux, que ses employés utilisent ces méthodes.

Des employés en quête de sens 

Face à une génération qui réinvente son rapport au travail mais également face à une société en mouvement suite à la crise du Covid, les ressources humaines des entreprises doivent faire preuve d’imagination pour capter les nouveaux talents. Trouver une réponse aux problèmes sociaux par l’entreprise est donc un nouvel argument pour recruter de jeunes talents.

Trouver une réponse aux problèmes sociaux par l’entreprise est donc un nouvel argument pour recruter de jeunes talents.

Chez Accenture, les collaborateurs sont nombreux à postuler pour travailler dans le cadre d’Accenture Development Partnerships (ADP), structure qui offre aux ONG des solutions de conseil à prix coûtants. Pour Lionel Bodin, employé depuis presque 20 ans dans l’entreprise : « c’est un outil d’attraction et de fidélisation des meilleurs éléments au sein d’Accenture. Le turn over y est plus faible et c’est donc une vraie valeur économique. » L’entreprise gagne en attractivité auprès de jeunes diplômés séduits par les projets sociaux mis en œuvre.

Le développement d’initiatives d’intrapreneurs sociaux permet ainsi de les attirer mais également d’améliorer la motivation et la satisfaction des employés, de diminuer le turn-over et l’absentéisme en entreprise et de retenir les talents. L’entreprise construit une culture d’entreprise, favorise la convivialité et l’esprit de corps, grâce à un projet porteur de sens, qui met en valeur les contributions de tous.

L’entreprise construit une culture d’entreprise, favorise la convivialité et l’esprit de corps, grâce à un projet porteur de sens, qui met en valeur les contributions de tous.

Bien que cette nouvelle activité soit encore confidentielle, les entreprises commencent à multiplier la création d’incubateur au sein de leur structure, permettant ainsi de développer un terrain favorable à l’émergence de l’innovation sociale, portée par ces salariés hors du commun, les intrapreneurs sociaux.

Pour aller plus loin 

Article rédigé par Valérie de La Rochefoucauld Drouâs, experte en intrapreneuriat social et philanthropie, consultante pour Ashoka South Africa